Damien MARCHAND
Alors que d'anciennes colonies s'unissent pour exiger une compensation pour les torts historiques, la position de l'Europe reste fermement opposée, malgré la pression internationale croissante.
Dans les couloirs sacrés des Nations Unies, où les dirigeants européens anticipaient des échanges diplomatiques routiniers, un grief historique pressant s'est imposé à l'agenda contemporain : la demande de réparations coloniales. Menée par une coalition de nations africaines, caribéennes et latino-américaines de plus en plus coordonnée, ce mouvement défie l'Europe de faire face aux conséquences économiques durables de son passé colonial. Bien que des discussions similaires sur les réparations gagnent du terrain aux États-Unis, les gouvernements européens restent largement unis dans leur résistance à une compensation financière pour les torts historiques.
La position européenne : une résistance ferme face à une pression croissante
Les puissances européennes ont articulé une position constante concernant les réparations, mettant l'accent sur une coopération tournée vers l'avenir plutôt que sur une compensation financière historique.
La France, par la voix de son président Emmanuel Macron, s'est engagée dès novembre 2017 lors d'un discours à Ouagadougou au Burkina Faso, à rendre aux pays africains les œuvres d'art spoliées pendant la période coloniale. Il avait alors déclaré que « le patrimoine africain doit être exposé en Afrique » et promis que « dans les cinq ans, seront réunies les conditions pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Cependant, cet engagement n'est toujours pas tenu. Sur les 90 000 objets africains toujours conservés dans les musées français, seules quelques dizaines ont été restituées, comme 26 œuvres au Bénin et un tambour rituel à la Côte d'Ivoire. Les processus de restitution butent sur des lenteurs législatives et politiques, et la France est critiquée pour une politique de retours au cas par cas qui ne répond pas à l'ambition initiale.
Les autorités allemandes ont formellement refusé, en août 2025, de verser des compensations aux anciennes colonies de l'Empire allemand. Tout en reconnaissant « l'injustice commise durant la domination coloniale allemande », le gouvernement a fait valoir que « le concept de compensation en droit international découle de la violation d'une obligation internationale », et qu'aucune de telles obligations n'existait envers les colonies à l'époque. Malgré cette position, l'Allemagne avait préalablement convenu en 2021 de verser 1,1 milliard d'euros à la Namibie sur 30 ans, bien que ces fonds n'aient pas encore été transférés.
Le Premier Minister Keir Starmer a déclaré que le Royaume-Uni ne paierait aucune compensation pour son rôle dans la traite négrière - « ni maintenant, ni à l'avenir ». Adoptant une approche pragmatique, Starmer a affirmé : « Je préférerais retrousser mes manches et travailler avec les pays du Commonwealth sur les défis actuels et futurs que de passer beaucoup de temps sur le passé ». Cette position a reçu un soutien royal implicite lorsque le roi Charles III a exhorté les dirigeants à « choisir le langage du respect et rejeter le langage de la division ».
Le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa a reconnu que le Portugal devrait « payer les coûts et les indemnités » pour son passé colonial, en particulier pour la déportation forcée d'environ 6 millions d'Africains - le plus grand nombre pour toute nation européenne. Cependant, le gouvernement portugais a par la suite rejeté cette position, refusant de payer des réparations à ses anciennes colonies.
Le contraste étasunien : un débat intérieur en évolution
Alors que les États-Unis semblent soutenir l'idée de réparations pour le colonialisme européen en Afrique, un mouvement national important traitant des injustices historiques des États-Unis eux-mêmes a gagné une traction remarquable.
Cette dynamique croissante dans la politique intérieure des EU ne s'est pas traduite par un soutien aux revendications africaines contre les puissances européennes. La récente décision de la Cour Suprême permettant à l'administration Trump de geler 4 milliards de dollars d'aide étrangère souligne un virage plus large vers une politique étrangère pragmatique qui attend des nations européennes qu'elles résolvent leurs propres différends historiques directement avec les partenaires africains.
La voie à suivre
Alors que le sommet UE-Afrique, reporté, est maintenant prévu pour novembre 2025 en Angola, les dirigeants européens font face à un moment critique. Ils doivent équilibrer des positions juridiques et politiques fermes face à l'élan croissant pour la responsabilité historique. Alors que l'Europe continue de mettre l'accent sur une coopération et une aide au développement tournées vers l'avenir, les nations africaines et leurs alliés sont de plus en plus insistants sur le fait qu'un véritable partenariat nécessite de reconnaître et de traiter les conséquences économiques durables de l'exploitation coloniale.
